LE
RENOUVEAU
N°
356 du
Jeudi 20 Avril 2000
politique
exterieure
djibouti-SOMALILAND :Le pouvoir djiboutien Tel qu'en lui-même
Comme nous en avons
rendu compte dans notre dernière édition, une affaire curieuse
a éclaté entre le Somaliland voisin et le régime djiboutien
au sujet du " plan de paix de Monsieur Ismaël Omar Guelleh pour
la Somalie ". L'Etat auto-proclamé du Somaliland, peuple et
autorités confondus, s'est invariablement montré hostile à
l'initiative du régime djiboutien. En dehors de quelques rares voix
isolées, qui semblent liées au pouvoir djiboutien (du moins
selon les dirigeants somalilandais), l'ancienne colonie britannique en Somalie
ne s'est pas reconnue dans le plan de Monsieur Ismael Omar Guelleh. Il faut
croire que les Somalilandais restent très majoritairement attachés
à ce qu'ils considèrent comme la liberté retrouvée
: en 1960, ils se sont massivement, pour ne pas dire unanimement, enthousiasmés
pour l'unification avec le nord-est et le sud somaliens colonisés
eux par l'Italie, fondant la République de Somalie où la dictature
du général Mohamed Siad Barreh les a gravement saignés.
Le pouvoir djiboutien,
qui n'a pas brillé par sa cohérence dans la question somalienne,
les a d'ailleurs confortés dans leur position indépendantiste
en adoptant une politique ambiguë à leur égard. Que ce
soit au niveau protocolaire ou dans le contenu des rapports politiques,
Djibouti a suivi une attitude hypocrite qui relevait de la séduction-encouragement,
tranchant avec le discours officiel réunificateur tenu à l'occasion
sur la scène internationale. Comme le rappelait à la télévision
gouvernementale vendredi le vice-président de l'Assemblée
Nationale, Monsieur Idriss Harbi Farah, les officiels somalilandais (ministres
et autres hauts administrateurs) étaient reçus comme tels
par leurs homologues djiboutiens avec lesquels ils évoquaient d'égal
à égal les relations entre les deux pays et les questions
d'intérêt commun. Un Bureau de représentation était
même ouvert au nom du Somaliland et le représentant dûment
mandaté par les autorités de Hargueissa était traité
avec des égards dignes d'un responsable diplomatique d'un pays reconnu.
Par exemple, le véhicule de service du représentant somalilandais,
qui n'était certes pas immatriculé CD (Corps Diplomatique),
n'en bénéficiait pas moins du régime d'exonération
fiscale grâce à une immatriculation TT.
Ainsi, même
si le jeu de séduction-encouragement du pouvoir djiboutien a connu
parfois quelques ratés comme la mémorable colère du
Monsieur Mohamed Hadji Ibrahim Egal, président de l'Etat auto-proclamé,
refusé au sommet de l'IGAD de 1998 à Djibouti-ville où
il était spécialement venu y assister en qualité d'observateur
(fort, semble-t-il, des assurances de certains milieux politiques djiboutiens
influents), les relations entre les deux parties s'entretenaient sous de
bonnes auspices. De sorte que les Somalilandais y ont vu un soutien dans
leur recherche éperdue de reconnaissance internationale. Ils y ont
tellement cru qu'ils ont pris fait et cause pour Monsieur Ismaël Omar
Guelleh dans la succession à la tête de l'Etat djiboutien.
Le Rassemblement Populaire pour le Progrès (RPP), parti au pouvoir
en République de Djibouti depuis l'Indépendance de 1977, a
ainsi pu ouvrir avec une facilité déconcertante des antennes
dans les villes somalilandaises (Hargueissa, Borama, Gabiley, Barbara, etc.),
sous la houlette d'un certain Said Abdillahi Ahmed dit Nalatour, ressortissant
djiboutien patron de Hôtel de Djibouti dans la capitale djiboutienne.
Inutile de dire que la campagne en faveur du neveu du président sortant,
Monsieur Ismaël Omar Guelleh, faisait rage dans l'Etat auto-proclamé
la veille du scrutin du 9 avril 2000 qui allait tourner au hold up électoral
au profit de Monsieur Ismael Omar. C'est par un véritable pont aérien
entre Hargueissa et Djibouti-ville que les Somalilandais sont d'ailleurs
venus à la rescousse du " candidat officiel ".Tout l'Etat
auto-proclamé s'est mobilisé en faveur de Monsieur Ismaël
Omar , et le représentant spécial de ce dernier n'a pas hésité
à remercier officiellement, par voie de presse (communiqué
publié dans le journal somalilandais Al Jamhurya), les principaux
dirigeants locaux qui n'avaient ménagé ni leur temps ni leur
énergie pour " faire passer " le neveu de Monsieur Hassan
Gouled Aptidon : les ministres de l'Intérieur, de la Justice, des
Transports, les directeurs de l'Aéroport de Hargueissa et de la Compagnie
aérienne Air Djibouti, la Présidence, etc.
Il va de soi qu'une
telle mobilisation locale en faveur du " candidat officiel " et
une telle sollicitude à l'endroit du pouvoir djiboutien n'étaient
pas sans mobile et visaient à obtenir quelque geste en retour. En
réalité, tout cela n'aurait pu s'envisager sans assurances
de la part de Djibouti.. " Un service de ce type et de ce niveau, nous
confiait à l'époque un observateur averti des relations entre
les deux pays, suppose récompense ".
La suite, nous la
connaissons. Aussitôt le pouvoir usurpé, Monsieur Israël
Omar, loin de se soucier de ses alliés de circonstance, opère
un revirement de 180 degrés. Il tire de son keffieh, comme d'autres
de leur chapeau, ce qu'il appelle son " plan de paix pour la Somalie
". Fini les yeux doux au Somaliland. Oublié le jeu de la séduction
à l'Etat auto-proclamé. Le Somaliland n'est plus, pour celui
qui se découvre une vocation de pacificateur réunificateur
de la Somalie, qu'une portion somalienne certes en paix mais comme une autre.
Donc à intégrer dans le puzzle de sa reconstitution, qu'il
croit avoir savamment imaginée.
Incrédules,
les Somalilandais s'informent et s'entendent confirmer les nouvelles intentions
de Monsieur Guelleh :la réunification somalienne.
Les considérations
de politique intérieure qui sous-tendaient hier les ambiguïtés
du régime djiboutien (et particulièrement d'un certain chef
de cabinet du nom de Ismaël Omar Guelleh), semblent encore motiver
aujourd'hui l'initiative de l'occupant de l'ancien Béit-El-Wali,
nom local du palais du gouverneur du temps colonial. Il s'agissait hier
de réussir son hold up électoral et, de par ses pseudo-bonnes
relations avec le Somaliland, de sécuriser les frontières
sud : l'opposition armée avait démontré qu'elle pouvait
frapper au sud comme au nord et qu'Ali-Addé (au sud) n'était
pas plus à l'abri de ses attaques que Médého au nord
Il s'agit aujourd'hui pour Ismaël Omar de tenter une grande opération
de politique extérieure dans l'espoir puéril de trouver à
l'extérieur des frontières une légitimité qu'il
n'a pu obtenir à l'intérieur.
Les Somalilandais
n'ont plus alors qu'à se rendre à l'évidence : Ismaël
Omar Guelleh et son régime les ont floués. Le ressentiment
s'installe, alimentant la réaction dont l'on devine la virulence.
Mais Ismaël
Omar Guelleh n'en a cure. Il fonce comme si de rien n'était. Fidèle
à lui-même, il continue à ignorer, officiellement du
moins, l'hostilité du Somaliland à son " plan de paix
".
Voilà dans
quel contexte surviennent les derniers rebondissements auxquels nous assistons
depuis samedi 8 avril 2000.
A cette date, le
pouvoir djiboutien invente de toutes pièces (il est plutôt
coutumier du fait) une invitation du Sénat somalilandais et dépêche
à Hargueissa une délégation conduite par un certain
Idriss Harbi Farah, vice-président de l'Assemblée Nationale,
tiré de son hibernation pour la circonstance. La réaction
somalilandaise est immédiate qui bloque la délégation
de Monsieur Ismaël Omar à l'aéroport de Djibouti. Déballage
sur les ondes de la BBC par les autorités somalilandaises qui oblige
le régime Guelleh à avouer n'avoir jamais reçu d'invitation.
Non sans ajouter qu'il n'abandonnera pas son projet de délégation
au Somaliland.
Aussitôt dit,
aussitôt fait : la délégation de Monsieur Ismaël
Omar retourne à la charge, parvenant cette fois jusqu'à la
l'aéroport de Hargueissa. Il semble que l'avion de Daalo Airlines
ait pratiquement été réquisitionné, ce qui donne
une idée de l'acharnement djiboutien. Qui n'en échoue pas
moins : la délégation (plutôt forte puisqu'elle compte
plusieurs dignitaires, petits et grands) est invitée à ne
pas fouler le sol somalilandais ; elle reste donc à bord de l'avion
la transportant avant de devoir rebrousser chemin, visiblement sous le choc.
A croire qu'elle s'imaginait pouvoir passer en force !
Le sieur Idriss Farah,
de retour à Djibouti, doit dare-dare donner le change au Somaliland
qui, dans l'intervalle, a tout révélé sur la BBC. Le
régime djiboutien n'a pas fière allure. Ismaël Omar Guelleh,
formé à l'école de la facilité, doit enrager
dans sa résidence cossue de Haramous. Du moins, la nouvelle sortie
du pouvoir djiboutien n'indique-t-elle pas le contraire : le représentant
du Somaliland à Djibouti, hier encore " amicalement traité
", est déclaré persona non gratta et expulsé aussitôt.
Sans bagages, il est conduit à la frontière terrestre de Loyada
aussitôt que lui est notifiée la décision d'expulsion.
Il n'a donc même pas le temps de faire ses valises. Ni en son bureau
ni à son domicile. Et il ne se gêne pas pour le dire sur la
BBC Service Somali qui ces jours-ci trouve là un feuilleton d'un
genre nouveau à diffuser. Et pour boucler la boucle, l'on apprend
que les frontières (Terre, Air, Mer) sont menacées d'être
fermées avec le Somaliland, et que les moyens de communication en
phonie restent suspendus. La rumeur parle même de mesures économiques
contre des commerçants djiboutiens opérant au Somaliliand.
Bref c'est la totale...
Belle tournure pour
le " plan de paix " du régime. D'autant plus belle que
le Puntland, Etat régional du Nord-Est somalien, bruit de mêmes
sons hostiles. Et cela à quelques jours seulement du début
de la conférence de réconciliation dont les préparatifs
se poursuivent péniblement à Arta à quarante kilomètres
de la capitale. Petite localité sans infrastructure d'accueil où
tout doit être mis en place. Les participants à la réunion
doivent d'ailleurs palabrer sous une tente...
Tournure lamentable
confirmée par le report sine die (hier mercredi 19 avril) de la conférence
de réconciliation prévue pour le 20 avril. Officiellement
: à la demande du peuple somalien. En réalité, pour
des raisons profondes liées au déficit de crédibilité
de l'initiative et du régime djiboutien, à la représentativité
insuffisante des participants, à l'impréparation, à
la gestion autoritaire du " plan de paix " par le pouvoir djiboutien,
etc.
Ne voila-t-il pas
qui confirme nos doutes contenus dans un articule publié en mars
2000 ? Relisez-le plutôt.
SOMALIE : A CRISE
COMPLEXE,CREDIBILITE ET CLAIRVOYANCE
La Somalie traverse
depuis bientôt dix ans une tragédie sans précédent
dans son histoire contemporaine. Avec la chute du régime sanguinaire
du dictateur Mohamed Siad Barreh, l'Etat somalien s'est effondré.
Le spectacle de la mort et de la destruction s'est installé, plongeant
les Somaliens dans une guerre civile d'un autre âge. Les effets cumulés
de vingt ans de siadisme fossoyeur se sont effroyablement manifestés
au détriment de la paix civile, de la concorde nationale et de l'Etat.
Le monde assistait, incrédule, à l'implosion de l'un des pays
phares de l'Afrique post-coloniale, l'un des tout premiers où l'alternance
démocratique avait pu fonctionner à plein, avec le départ
du président Aden Abdullah Hassan des affaires à la suite
des élections de 1967 qu'il perdait. Ce pays fascinant et fort de
son homogénéité ethnique, culturelle et historique,
s'écroulait avec une incroyable brutalité.
C'est un gigantesque
feu, dont les tisons étaient d'autant plus ardents qu'ils étaient
allumés de longue date, qui se déclarait. La bombe laissée
par un régime dictatorial, corrompu, diviseur au possible, qui avait
exploité, pour perdurer, la moindre contradiction d'une société
qu'il connaissait mieux que quiconque pour en être issu, cette bombe
infernale explosait donc dès la chute du vieux pyromane galonné.
Le Nord-Ouest faisait
sécession et s'auto-proclamait Etat indépendant, sous la direction
du Mouvement National Somalien (MNS), tandis que le reste s'embrasait sans
que les mouvements d'opposition armée tels que le United Somali Congress
(USC) du Général Mohamed Farah Aïdid, père de
Houssein Mohamed Aïdid, le Somali Patriotic Mouvement (SPM) du Colonel
Omar Ges ou le Somali Salvation démocratique Front (SSDF) du général
Abdillahi Youssouf ne pussent contrôler la situation.
La première
tentative de réconciliation viendra de la petite République
de Djibouti, pays frère dont la Somalie avait beaucoup uvré
pour l'Indépendance. Mais en vain. Le Général Mohamed
Aïdid aura boudé Djibouti où son rival civil Ali Mahdi
Mohamed, issu de ce que l'on appelait alors le Groupe Manifesto, jouait
les vedettes ; le MNS aura manqué à l'appel qui contrôlait
déjà le Somaliland (appellation coloniale du Nord-Ouest somalien
durant son occupation par la Grande Bretagne). Les résultats de la
conférence dite de réconciliation somalienne de juillet 1991
à Djibouti (mise en place d'un président, d'un gouvernement
ainsi que d'une assemblée de transition) étaient voués
à l'échec.
Il en ira de même
pour toutes les autres tentatives de réconciliation d'où qu'elles
viennent : du Kenya, d'Ethiopie, du Yémen, d'Egypte, etc.
C'est dans ce contexte
d'impasse que Monsieur Ismaël Omar Guelleh, dont le pouvoir est issu
du hold up électoral du 9 avril 1999, lance ce qu'il a appelé
son plan de paix pour la Somalie. Il annonce son initiative de la tribune
des Nations Unies à New York par un jeudi 23 septembre 1999 au moment
même où ses forces de l'ordre arrêtent à son domicile
djiboutois et à coups de balles réelles (qui font un mort
et plusieurs blessés) le président de l'Opposition Djiboutienne
Unifiée (ODU), son unique adversaire (victorieux mais spolié)
à l'élection présidentielle du 9 avril 1999, Monsieur
Moussa Ahmed Idriss, incroyablement accusé d'un délit de presse.
Délit qui n'existe que dans l'imagination du régime et pour
lequel le général Ali Mehidal Waïss , co-directeur de
publication du mensuel Le Temps (en raison de l'immunité parlementaire
du directeur de publication Moussa Ahmed Idriss), est, de toute façon,
déjà emprisonné à la sinistre prison de Gabode,
aux côtés du président du Parti du Renouveau Démocratique
(PRD) et directeur de publication de l'hebdomadaire le Renouveau Daher Ahmed
Farah (DAF) accusé lui aussi " d'atteinte au moral des forces
armées et de diffusion de fausses nouvelles ".
Promu à grand
renfort d'opérations publicitaires, où prédomine le
culte de la personnalité de son initiateur, gérée de
manière à masquer une situation intérieure djiboutienne
explosive, à laquelle l'ancien chef de cabinet ne répond que
par le tout répressif, le " plan de paix " de Monsieur
Guelleh obéit en réalité à des considérations
politicardes de politique intérieure : perdurer au pouvoir grâce
à l'extérieur. Il ne fait pas l'unanimité parmi les
Somaliens. Il rencontre même au fil des semaines et des mois de fortes
oppositions. De sorte que les interrogations ne tardent pas à se
faire entendre sur son issue. Le choix des participants à la conférence,
l'établissement du calendrier, la conduite des concertations et autres
consultations, les implications sous-régionales, et jusqu'à
la crédibilité de l'initiateur et principal acteur du plan
de paix, nombreux sont les points où cristallise la critique. Qu'elle
soit publique, ou faite en privé.
L'Etat auto-proclamé
du Somaliland a déjà fait connaître son rejet de l'initiative
du fils de Omar Guelleh et l'on a pu observer ici ou là des manifestations
populaires hostiles au " plan de paix ", Messieurs Abdillahi Youssouf
et Houssein Aïdid, respectivement président de l'Etat régional
auto-baptisé Puntland et chef de la principale faction armée
du Sud de la Somalie, martèlent leur hostilité et annoncent
même la tenue d'une conférence parallèle de réconciliation
à Tripoli en Libye, sans être aussitôt démentis
par la Jamahirya. Tripoli dont Monsieur Ismaël Omar Guelleh ne cesse
pourtant de s'enorgueillir du soutien dans ses " efforts de réconciliation
somalienne ". D'autres voix hostiles s'élèvent un peu
partout, comme par exemple dans les régions du Sud où l'on
signale même des affrontements entre " opposants au plan de paix
et partisans. " De sorte qu'une personnalité de ce Sud s'indigne
voilà peu sur les ondes de la BBC : " Monsieur Ismaël Omar
Guelleh, avec son plan de paix, ne contribue pas à la paix sur le
terrain ".
Il va de soi que
le dossier somalien n'est pas une mince affaire. C'est une situation complexe
où s'enchevêtrent les contradictions, interagissent les intérêts
(parfois extérieurs au peuple somalien lui-même ) et sont à
l'oeuvre les passions. Et s'il est vrai qu'après plus de neuf ans
de guerre civile dramatique, de morts, de destructions, de famines, de maladies,
bref de régressions en tout genre, les Somaliens, dans leur immense
majorité, aspirent à la paix et à revivre normalement,
cela n'autorise aucun aventurisme prétendument pacificateur, aucuns
calculs politicards, aucune solution extérieure avec ou sans visage
somali ou somalien. Cela exclut la précipitation, le placage de réponses
toutes faites sur des réalités concrètes promptes à
réagir à tout ce qui lui semble douteux. La situation somalienne
requiert beaucoup de sagesse pastorale, de luicidité, d'humilité,
de crédibilité. Pour espérer agir positivement, il
faut inspirer confiance : " Ninkaad kabo ka tolani kabihiissa ayaa
la eega " - avant de se faire chausser chez quelqu'un, il faut regarder
l'état de ses chaussures - dit le dicton somali. " Ninka tiisa
daryeela ayaa takalana ku dara - avant de vouloir arranger les affaires
d'autrui, il faut régler ses propres problèmes ", précise
un autre dicton.
Mais si inspirer
confiance est une condition nécessaire, tant le pasteur nomade est
méfiant et jaloux de sa liberté, elle n'est pas suffisante.
Il faut aussi savoir observer le terrain, parler aux hommes et aux femmes,
les écouter, bien cerner les racines du mal avant d'esquisser le
moindre début de solution.
Parallèlement,
et afin de renforcer la dynamique d'apaisement général, il
faut pouvoir rappeler à ces pasteurs nomades, perturbés par
l'intrusion de la ville coloniale, la douceur inégalable du lait
de la paix (comme le dit si bien le diction somali), en obtenant de la communauté
internationale que soient aidées économiquement et socialement
les régions ayant su rétablir la paix localement.
Le pasteur nomade
aime bien voir les bienfaits d'une chose avant de l'adopter : ne dit-il
pas " Dhamaan gartaa "- littéralement : " je saurai
après l'avoir bu "- en réponse à la question de
savoir ce qu'il pense du lait qu'on lui offre ? D'où la nécessité
de prêcher par le concret et le pertinent.
Enfin, et c'est capital,
il faut toujours garder à l'esprit qu'il n'y aura solution qui vaille
que celle des Somaliens eux-mêmes. C'est à eux qu'il appartient
de savoir ce qui est bon pour eux et ce qui ne l'est pas. On peut les aider
à s'aider, les soutenir dans la direction où ils s'engagent
pour se réconcilier. Jamais se substituer à eux , chercher
à leur imposer quoi que soit, à les soumettre à ses
intérêts. Ils savent repousser l'ennemi avec cette même
fureur -décuplée par la technologie moderne, il est vrai-
avec laquelle ils s'entre-déchirent.
Il faut donc y aller
humblement ; avec la démarche éprouvée du sage somali
connu et reconnu. A petits pas, en donnant bien pastoralement du temps au
temps.
A bon entendeur...
Education
Les élèves
de 3ème en
grève
Depuis lundi dernier,
les élèves de 3ème des collèges manifestent
leur mécontentement, descendant même dans la rue. Parti du
collège d'enseignement secondaire le plus récent, que le ministère
de l'Education a installé dans certains des locaux du camp militaire
Omar Aline de Boulaos, dont l'autre partie abrite le Bataillon Artillerie
de l'Armée Nationale, le mouvement de grève tend à
se généraliser. Nombreux sont les collégiens qui bravent
la chape de plomb du pouvoir en place et crient leur colère dans
les grandes artères de la capitale : Boulevard de Gaulle, Boulevard
de la République...
Bien sûr, les
forces de l'ordre chargent les manifestants, usant comme d'ordinaire de
gaz lacrymogène et de coups de matraque, mais cela n'affecte en rien
la détermination des collégiens. Ils savent ce qu'ils font
et persévèrent.
Motif : protester
contre une mesure ministérielle de fraîche date qui durcit
les critères d'admission de la 3ème à la classe de
Seconde déjà réputée être un terrible
goulot d'étranglement. En effet, loin de démocratiser ce passage
du premier cycle secondaire au deuxième, le ministère subordonne
désormais l'admission en Seconde à l'obtention du Brevet d'Etudes
du Premier Cycle (BEPC) : suivant cette mesure, les notes du BEPC compteront
pour 60%, contre seulement 40% pour le contrôle continu, dans l'évaluation
de la moyenne finale sur laquelle reposera la sélection pour l'admission
en Seconde.
Les élèves
jugent injuste que les résultats du BEPC, c'est-à-dire ponctuels
et pas toujours probants, soient prépondérants par rapport
au travail de toute l'année scolaire de l'élève. "
D'autant que, ajoutent-ils, la crédibilité des examens nationaux
tels que le BEPC ou l'entrée en 6ème, a été
entachée de fuites d'épreuves ces dernières années
au profit des enfants des dignitaires du pouvoir ".
Il y a là,
on le voit, un sérieux problème dont les élèves
ne se trompent pas sur la portée.
A suivre.
Les suppléants
subissent des
retenues de solde
Les instituteurs suppléants en service dans les écoles primaires
publiques se sont vu opérer des retenues sur leur solde au titre
des jours de grève observés depuis le début de l'année
scolaire. Des retenues parfois si importantes qu'il n'est pratiquement rien
resté d'une solde déjà réduite à la portion
trop congrue par les coupes salariales successives décidées
au fil des ans par le régime prédateur en place.
Ces retenues ne concernent
pour l'heure que les suppléants, la catégorie statutairement
la plus fragile du corps enseignant qui ne bénéficie pas de
la sécurité de l'emploi que garantit (sur le papier) le fonctionnariat.
Pourquoi donc ces
retenues sélectives ? Certainement, cette mesure vise à briser
la cohésion du mouvement enseignant en s'attaquant d'abord aux plus
vulnérables, pour ensuite jeter son poison sur l'ensemble de la profession.
Il appartient donc
aux enseignants d'en tirer les conséquences en rappelant comme un
seul homme que les jours de grève résultent de la non-observation
par l'Etat de ses engagements en matière de solde : le travail régulier
des agents de l'Etat suppose le règlement régulier de la solde
à la fin du mois pour assurer à l'employé les moyens
de sa subsistance. Et que de ce fait, si faute il y a (jours de grève),
elle est imputable à l'Etat et non aux grévistes qui n'ont
fait que réclamer leur dû à un régime peu enclin
au dialogue civilisé. Ce qui fonde les victimes à exiger le
remboursement des sommes retenues.
A suivre.
Administration
Les agents Obockois
de l'Etat se
plaignent
Les agents de l'Etat au district d'Obock se plaignent de retards par trop
prolongés dans le paiement de leur solde par l'administration du
district. Une situation qui, selon eux, dure depuis 1993.
Dans une lettre adressée
au Commissaire de la République Chef du district le 5 février
2000 dernier sur le sujet, les délégués des agents
du district écrivent que leur district est toujours payé le
dernier et que, de plus, la période de règlement de la solde
n'excède pas quelques jours, ce qui ne permet pas aux salariés
éloignés de venir percevoir leurs émoluments. Dans
le même courrier, ils font également état de ce qu'ils
appellent " la confusion totale " concernant les prestations familiales
: certains agents les percevraient, d'autres non, et le montant varierait
parfois d'un mois à l'autre.
Les agents de l'Etat
au district d'Obock, région sinistrée par la guerre s'il en
est, lancent maintenant par voie de presse un appel à qui de droit
pour voir cette situation pénible cesser.
Ils profitent d'ailleurs
de l'occasion, pour rappeler que copie a été adressée
(de leur correspondance du 5 février 2000 au chef du district d'Obock)
aux ministres des Finances, de l'Intérieur, de l'Emploi, de la Justice
et de la Jeunesse-Sports-Loisirs.
A suivre.
Information
Les média
gouvernementaux égaux
à eux-mêmes
Décidément,
il est des plus difficiles aux média gouvernementaux de revenir à
la mission fondamentale qui est la leur, à savoir informer en toute
objectivité et en toute sérénité. Depuis longtemps
habitués à danser pour le prince dont ils ont appris à
traduire jusqu'aux moindres désirs, au point que d'aucuns les traitent
d'albums officiels, les médias publics, qui ne sont devenus gouvernementaux
que dans les faits, peinent à se normaliser. Déconsidérés
du fait de leur flagrante inféodation, ils ont du mal à reconquérir
un minimum de crédibilité auprès du lectorat.
Difficile de se défaire
de réflexes vieux de décennies entières. Difficile
de faire de l'information quand on a toujours été la voix
du maître. Difficile de songer à la liberté lorsque
l'on a toujours vécu dans la servilité. Difficile de se relever
pour qui a toujours été couché.
Ces jours-ci ne sont
donc pas aisés pour le petit monde de la presse officielle. Il est
livré aux affres de l'interrogation, du doute même, sans pouvoir
y voir clair, se frayer une ligne. Tandis que le pays s'achemine inexorablement
vers le changement, entraîné par l'air libérateur du
temps et la volonté profonde d'un peuple qui a sacrifié jusqu'à
son sang (ce qu'il a de plus précieux au monde), les média
officiels jouent encore sur le mode désuet du plaire, s'abîmant
dans une partition odieusement rétrograde.
C'est ainsi que la
couverture du retour du président du FRUD, Ahmed Dini Ahmed, et de
sa délégation, ceux-là mêmes qui ont signé
" l'accord cadre de reforme et de concorde " du 7 février
à Paris, a été escamotée. Que le seul journaliste,
Ali Barkat Siradj de la Nation, qui a tenté de faire droit à
la dignité professionnelle, a subi les foudres de la hiérarchie.
C'est ainsi également
que le compte rendu de la visite de condoléances, au Palais présidentiel
le 12 avril 2000, de l'opposition djiboutienne, civilisée et responsable,
à Monsieur Ismaël Omar Guelleh dont le père venait de
disparaître, laisse à désirer. La RTD a avalé
des images et la Nation des noms. Comme ils ont toujours avalé leur
dignité professionnelle. Outre les vues générales de
la rencontre, la télévision a avalé les images de M
Mahdi Ibrahim Ahmed God, président du FUOD, et de Kamil Mohamed Ahmed
dit Kebir, membre dirigeant du FRUD, récemment sorti de Gabode. Quant
au journal la Nation (édition du jeudi 13 avril 2000) et à
la radio, ils ont ingurgité trop de noms et de choses.
Rappelons donc, pour
rétablir la vérité pour les lecteurs et lectrices ainsi
que pour les auditeurs et auditrices et autres téléspectateurs
et téléspectatrices, que nous autres savons respecter, la
composition de la délégation de l'opposition :
FRUD
-Ahmed
Dini Ahmed, président
-Chehem
Daoud Chehem, vice-président
-Dabale
Ahmed Kassim, membre dirigeant
-Hassan
Moukbel, membre dirigeant
-Kamil
Mohamed Ahmed dit Kebir,membre dirigeant
Haut Conseil National
de l'ODU
Au titre
des partis et mouvements :
-Mahdi
Ibrahim Ahmed God, président du FUOD
-Daher
Ahmed Farah, président du PRD
-Aden Robleh
Awaleh, président du PND
-Moumin
Bahdon Farah et Ahmed Boulaleh Barreh, GDR
Au titre des personnalités
:
-Ali
Mehidal Waîss
-Farah
Ali Waberi
-Ahmed
Walieh Samatar
Société
Ce pédophile
expatrié qui
sévissait sous nos cieux.
Un pédophile
de plus de cinquante ans qui sévissait dans la capitale où
il travaillait et résidait, a été arrêté
et écroué à la prison centrale de Gabode voilà
plusieurs semaines, au courant du mois de mars 2000.
Répondant
au nom de Jules Marciles, cet expatrié canadien était en poste
à l'autorité Intergouvernementale pour le Développement
(IGAD) à Djibouti, organisme auquel le liait un contrat de six mois
renouvelé peu avant son arrestation. Spécialiste de la documentation,
il avait été engagé pour la restructuration du centre
de documentation de l'organisation.
Bien que marié
et père de deux enfants, cet individu vivait en célibataire
dans une belle villa de la cité de l'aviation où il se livrait
à ses déviations sexuelles. Appâtant les jeunes garçons
(certains avaient à peine quelques années) à coups
de bakchich et autres petits cadeaux, il les prenait dans ses rets pour
assouvir ses désirs de pervers sexuel. La police, alertée
par des voisins, aurait d'ailleurs mis la main, au moment de son arrestation,
sur des cassettes vidéo fort compromettantes dont certaines auraient
été tournées au Kenya.
En effet, ce quinquagénaire
avait été en poste au Kenya où il avait passé
quatre ans avant de regagner le Canada d'où il était venu
à Djibouti.
Il s'agissait donc
d'agissements anciens et avérés, faisant peser de véritables
dangers sur la société.
Selon nos informations,
sous nos cieux, ses petites victimes sont nombreuses. Beaucoup vivant à
Ambouli et dans les environs du lieu de résidence du pédophile.
Concernant son sort
judiciaire, le coupable semble pour l'heure sous le coup d'un mandat de
dépôt à la prison de Gabode et son procès suivrait
son cours.
Espérons qu'il
sera puni dans toutes les rigueurs de la loi et que ses innocentes victimes
ne seront pas oubliées.
A suivre.
Droits
de l'Homme
Soutien à
l'opposant guinéen
Alpha Condé
Le président
du Parti du Renouveau Démocratique (PRD), Daher Ahmed Farah, le Bureau
National du Parti ainsi que son journal le Renouveau, seul organe de presse
libre à encore paraître en terre djiboutienne, expriment leur
total soutien à l'opposant guinéen Alpha Condé, principal
adversaire politique du président-général Lanzana Conté.
Jeté en prison en décembre 1998, au lendemain d'une élection
présidentielle très controversée où le chef
l'Etat sortant, le général Lanzana Conté, avait visiblement
recouru à la fraude, Monsieur Condé comparaît ces jours-ci
devant la Cour de Sûreté de l'Etat, juridiction d'exception
dont l'anachronisme en ce XXIème siècle naissant n'est que
patent.
Universitaire de
renom (il a notamment enseigné le droit international dans les universités
parisiennes), et brillant intellectuel, Alpha Condé appartient à
la génération de politiciens dont l'Afrique a tant besoin
pour relever les défis du millénaire. Son emprisonnement arbitraire
par l'autocratie galonnée qui mal-gouverne son pays s'inscrit dans
les derniers soubresauts de l'alimentarisme politique dans un continent
qui n'en a que trop souffert. Son combat est aussi le nôtre car c'est
un combat contre l'obscurantisme fossoyeur et pour la démocratie
libératrice.
Aussi demandons-nous
la fin de la parodie de procès mise en scène à son
encontre et sa libération immédiate.
Soutien au peuple
tchetchène
Le Haut Conseil
National de l'Opposition Djiboutienne (ODU) et son président Moussa
Ahmed Idriss ainsi que le président du Parti du Renouveau Démocratique,
Daher Ahmed Farah, et le Bureau National du PRD expriment leur solidarité
avec le peuple tchetchène soumis à une violence féroce,
et à des fins de politique politicarde intérieure, par le
régime russe.
Ils exigent la fin
de l'enfer que subit ce peuple martyr et lancent un appel à la communauté
internationale pour intensifier les pressions sur le pouvoir russe afin
de sauver les enfants, les femmes, les vieillards... tchetchènes
du déluge de malheurs que leur impose Moscou.
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